L’acuité visuelle dynamique (AVD).
Qu’est-ce que l’AVD ?
L’acuité visuelle dynamique (AVD) mesure la différence entre l’acuité visuelle lorsque la tête est immobile et lorsqu’elle est en mouvement ou lorsque la cible visuelle bouge. Celle qui est abordée ici est l’évaluation de la capacité à stabiliser l’image d’une cible fixe qui se projette sur la rétine lorsque la tête bouge. Cette mesure est donc très physiologique puisque, dans nos activités journalières, nous sollicitons régulièrement notre vision sans pour autant avoir une tête rigoureusement immobile. Il est curieux que ce test ne soit pas inclus dans le bilan visuel standard chez l’ophtalmologue. Le « Comitte on vision of the national research council » a publié dans son rapport en 1985 que l’AVD est une technique urgente à investiguer, car elle serait plus prédictive de la fonction visuelle au quotidien et qu’une AVD élevée serait liée à des faibles taux d’accidents de circulation. De plus l’AVD ne dépend pas uniquement de l’acuité visuelle statique, même s’il y a une certaine corrélation.

Historique
Il y a plus de 20 ans, Burg a mesuré une AVD en déplaçant la cible visuelle de 17500 personnes de 16 à 92 ans pendant la mesure de l’acuité visuelle. Il a décrit un déclin de l’AVD après 40 ans. La chute d’AVD n’était pas prédictible et état indépendante des changements d’AVS. Il a expliqué cette chute par les effets de l’âge sur la poursuite oculaire, et par les changements optiques et neuromusculaires. Son test clinique ne permettait toutefois pas d’exclure une perception visuelle pendant les phase d’arrêt de la tête ni un contrôle des vitesses de celle-ci. Cette méthodologie et les mécanismes de stabilisation de l’image mis en jeu sont différents de la mesure de l’AVD présentée ici, qui mesure la perception d’une cible fixe pendant le mouvement de la tête.
Bases physiologiques
La stabilisation de l’image pendant le mouvement de la tête requiert un mouvement des yeux de direction opposée mais de vitesse équivalente à celle de la tête. Cette stabilisation de notre regard sur une cible visuelle fixe lors de mouvements de tête peut faire appel à plusieurs mécanismes : les réflexes vestibulo-oculaires, le système de fixation-poursuite oculaire, les saccades oculaires, le système optocinétique, la proprioception cervicale. Elle requière de plus une mécanique orbitaire saine. Les données de la littérature montrent qu’une différence de vitesse de la tête et des yeux dépassant 4° par seconde dégrade la stabilisation de l’image sur la rétine et diminue l’acuité visuelle.En l’absence d’altération de la mécanique orbitaire, la mesure de l’AVD reflètera surtout l’efficacité des réflexes vestibulo-oculaires si les mesures sont réalisées lors de mouvements de tête rapides (> 100°/seconde) et non prévisibles par le sujet. A ces vitesses, le système de fixation-poursuite oculaire, la proprioception cervicale, et le système optocinétique ne peuvent assurer une image stable sur la rétine. De plus, avec la méthodologie utilisée, la mesure de l’AVD est indifférente à la présence ou non de saccades rattrapage. En effet le facteur déterminant la stabilisation d’image sur la rétine est la proximité des vitesses de l’œil et de la tête, ces vitesses sont très différentes en présence d’un déficit des réflexes vestibulo-oculaires mais aussi pendant les saccades de rattrapage. Si en fin de mouvement de tête, le déficit des réflexes vestibulo-oculaires est rattrapé par une saccade de correction, une mesure du gain en amplitude des réflexes vestibulo-oculaires pourrait être erronément considérée comme normale. La position correcte des yeux en fin de mouvement de tête ne peut influencer la mesure de l’AVD puisque la cible visuelle n’est projetée que pendant le mouvement de la tête. Le test d’AVD est une mesure du gain des réflexes vestibulo-oculaires en vitesse et non en amplitude.
Equipement

Le matériel utilisé (AVD de la société Framira*) comporte un casque équipé d’un capteur mesurant avec précision les mouvements de la tête dans les trois plans de l’espace. Des lettres ou des dessins de taille variable (optotypes validés pour adultes ou enfants) sont affichés sur l’écran de l’ordinateur, soit en continu ou pendant 50 mSec. (paramètre ajustable) pour permettre une mesure de l’acuité visuelle tête fixe, soit seulement lorsque la vitesse du mouvement de la tête est comprise entre deux limites paramétrables. De plus, la cible visuelle n’est affichée que si la vitesse de la tête est atteinte dans une direction présélectionnée.
Il est aussi possible de sélectionner spécifiquement les mouvements de tête dans le plan horizontal vers la gauche ou vers la droite, dans le plan vertical vers le haut ou vers le bas, lors d’inclinaison latérale de la tête ou spécifiquement dans le plan d’un des canaux semi-circulaires de l’appareil vestibulaire. L’examinateur peut visualiser la vitesse à laquelle il tourne le la tête du sujet et être assuré que cette vitesse reste un temps suffisant dans les limites prédéfinies (par exemple supérieur à 50 mSec.) pour permettre l’identification de la cible visuelle. Une procédure permet également de détecter des résultats non fiables chez des sujets qui souhaiteraient simuler une baisse de leur AVD. La portabilité du système utilisé (AVD – Framiral*), adaptable à tout ordinateur, garantissant un affichage seulement lorsque la tête a atteint une vitesse prédéterminée, et largement paramétrable, devrait contribuer à inclure cette mesure dans l’examen visuel du sujet sain cherchant à connaître son aptitude à la conduite, au pilotage, à la pratique de certains sport, ou du sujet se plaignant d’une mauvaise perception visuelle dans la vie journalière sans altération de l’acuité visuelle standard.
Intérêt Clinique

L’intérêt de l’acuité visuelle dynamique est aussi sa relation directe avec les plaintes d’oscillopsies (Badaracco et al.,2010), la possibilité de réaliser des mesures non seulement lors de mouvements de rotation latérale ou verticale de la tête mais également d’inclinaison latérale, de translation et lors d’activités physiques similaires à celle de la vie journalière telle que la marche sur tapis roulant ou sur place. Les mesures faites lors de mouvements dans des plans verticaux sont particulièrement représentatives des capacités de stabilisation du regard lors de la marche. Les données de la littérature confirment la bonne corrélation entre les mesures de l’acuité visuelle dynamique et le gain des réflexes vestibulo-oculaires tant dans le plan horizontal, que vertical ou latéral. Cette corrélation est également démontrée dans des atteintes isolées des canaux verticaux comme lors de l’occlusion chirurgicale d’un canal supérieur (Schubert et al., 2006). Ces données témoignent de l’excellente capacité discriminante de cette mesure entre les sujets témoins, les sujets souffrant d’un déficit labyrinthique unilatéral et bilatéral (Tian J, 2002). En raison de sa relation directe avec les symptômes d’oscillopsies, l’AVD a sa place en rééducation. Des études ont montré que l’AVD est un facteur crucial dans le sport et que les athlètes ont une AVD supérieure lorsqu’ils sont comparés à la population générale. L’AVD peut être améliorée par l’entraînement. Des exercices de rééducation vestibulaire ont aussi montré leur effet positif sur la récupération de l’AVD chez des patients atteints d’un dysfonctionnement vestibulaire (Herdman SJ, 2007). En cas de déficit labyrinthique unilatéral partiel, des mécanismes périphériques et centraux permettent l’amélioration progressive du gain des réflexes vestibulo-oculaires ipsilatéraux et de l’AVD.
Le graphique ci-joint illustre la baisse d’acuité visuelle entre tête mobile et tête fixe obtenue dans le plan horizontal et vertical chez 120 sujets témoins, chez des patients atteints d’un déficit labyrinthique bilatéral, d’un nnystagmus congénital, et un groupe souffrant d’orbitopathie dysthyroïdienne avant et après decompression chirurgicale.
Nous présentons également les corrélations entre les mesures d’acuité visuelle dynamique et le vidéo head impulse test, mesurant le gain des réflexes vestibulo-oculaires à haute vitesse de tête, chez les mêmes patients.
Références
- Badaracco C et al. Oscillopsia in labyrinthine defective patients: comparison of objective and subjective measures. American Journal of Otolaryngology–Head and Neck Medicine and Surgery 31 (2010) 399–403.
- Schubert et al. Dynamic Visual Acuity during Passive Head Thrustsin Canal Planes. JARO (2006) 7: 329–338.
- Tian J, Shubayev I, Demer JL. Dynamic visual acuity during passive and self-generated transient head rotation in normal and unilaterally vestibulopathic humans. Exp Brain Res (2002) 142:486–495.
- Herdman SJ et al. Recovery of Dynamic Visual Acuity in Bilateral Vestibular Hypofunction. Arch Otolaryngol Head Neck Surg. 2007;133:383-389.
(*) FRAMIRAL sarl , 107 route du Plan – 06130 GRASSE FRANCE. e-mail : contact@framiral.fr